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dimanche 10 décembre 2017

DEUTSCHE QUALITÄT?


"En Allemagne, la bière c'est considéré comme un légume."
Les Nouvelles Brèves de Comptoir (2008) de Jean-Marie Gourio



Eine einleitung von das Kave!

Ah l'Allemagne et sa réussite économique, son modèle social, sa puissance au sein de l'union européenne tant montrée dans nos médias comme l'exemple à suivre.
Pourtant, si on gratte un peu, sous le vernis doré du soi-disant succès du modèle allemand, on pourrait trouver quelques bémols à mettre ici et là, cat le petit peuple germanique lui-même ne voit pas forcément les choses de cette manière.
La population allemande ne vit pas vraiment cette fameuse réussite comme on veut bien nous le faire entendre ou nous le faire croire.
Voici donc un article consacré à nos voisins teutons, écrit par Pascal Lecrom pour une mise en perspective de l'Allemagne d'aujourd'hui avec trois thèmes, retraités, chômeurs et règle d'or. 
Est-ce que la Deutsche Qualitat, qu'on nous vante régulièrement, ne serait-pas que de la poudre de perlimpinpin lancée dans nos petits yeux de rien?
Pascal paye un coup kolossal, alors à toi le comptoir maintenant!


Le "fameux" modèle allemand !

Avec un taux de chômage au plus bas depuis 25 ans (5,7%), une croissance au plus haut depuis 5 ans (1,9% en 2016), l’Allemagne affiche une santé économique insolente.
 Qualifiée dans les années 2000 d’homme malade de l’Europe, elle est devenue aujourd’hui la locomotive de l’Union européenne. 
Pourtant, le « modèle allemand » a aussi ses failles. 
Le succès économique outre-Rhin s’est construit sur de fortes inégalités qui se creusent de plus en plus. Le secteur des bas salaires explose et le taux de pauvreté concerne aujourd’hui 16% de la population allemande, 23% chez les chômeurs. 
Les réformes du marché du travail ont précarisé les plus fragiles avec le développement des « mini jobs », ces emplois à temps partiels de 50 heures maximum payés 450 euros. 
Les retraités pâtissent aussi de la situation. 
Les personnes âgées sont plus de 2 millions à vivre avec moins de 900 euros par mois.


Les retraités.

En dépit de la santé florissante de l’économie allemande, plus de 900 000 retraités dans le pays sont actuellement obligés de travailler pour compléter leur faible pension.

Trois fois par semaine, Karl-Heinz doit se lever aux aurores. Parfois avec difficulté. À 69 ans, ce Berlinois se rend encore au travail dans une petite entreprise où il gère la comptabilité et les tâches administratives. Ses dix heures hebdomadaires lui rapportent 450 € par mois. « Cet emploi me plaît, mais les temps de transport sont longs, raconte-t-il d’une voix posée. Après une vie de travail, je pensais pouvoir me reposer, mais je n’ai pas le choix. »

Durant sa carrière de 43 ans, il a enchaîné les contrats dans l’informatique et connu une période de chômage. Résultat, Karl-Heinz perçoit une retraite de 860 €. Une fois payés son loyer de 480 €, l’électricité et sa mutuelle, il lui reste moins de 150 € pour vivre.

Comme lui, 11 % des retraités allemands âgés de 65 à 74 ans, soit 942 000 personnes, sont aujourd’hui obligés de travailler. Ce chiffre a doublé en dix ans, selon les dernières données de l’Institut fédéral de la statistique (Destatis).
En cause, le trop faible montant des retraites. En moyenne, un ancien actif allemand reçoit 1 100 € brut par mois, contre 1 370 € en France. 

À 64 ans, Birgit cumule deux « handicaps ». En plus d’être une ancienne Allemande de l’Est, cette femme souriante et dynamique a élevé seule ses cinq enfants. « J’ai travaillé pendant 40 ans, indique-t-elle. Avant la chute du Mur, j’ai d’abord été vendeuse, puis conductrice de grue pendant onze ans. Mais à la réunification, comme beaucoup, j’ai été licenciée. J’ai dû déménager et j’ai travaillé ensuite pendant 17 ans chez Mc Donald’s où je gagnais environ 1 000 € par mois. »

Aujourd’hui, sa retraite est de 650 € mensuels, auxquels s’ajoutent depuis un an 125 € au titre de l’éducation de ses enfants. Une fois toutes les charges acquittées, il ne lui reste que 120 € pour vivre – soit quatre euros par jour. Pour compléter ses revenus, elle fait le ménage dans un café pour environ 80 € par mois. Birgit voudrait bien travailler davantage, mais après un accident cérébral, elle n’en a plus la capacité.

Après avoir travaillé comme ouvrière non qualifiée, puis comme concierge dans son immeuble, Inge perçoit moins de 800 € de retraite, complétée par une petite aide de l’État. 
« Comme je suis malade, j’ai pu conserver mon petit deux-pièces, se réjouit-elle. Il me permet d’accueillir quelqu’un en cas de problème. » 
Une fois par semaine, Inge est bénévole pour Die Tafel, l’association équivalente aux Restos du cœur. Elle peut ainsi bénéficier d’un petit panier de nourriture.

Avec l’augmentation du coût de la vie et des loyers dans les grandes villes, les seniors sont de plus en plus nombreux à solliciter l’aide des associations.

Pourtant la chancelière Angela Merkel vante son bilan et estime que « toutes les réformes nécessaires pour sécuriser le système jusqu’en 2030 ont été conduites ». 
Un constat que ne partage pas Karl-Heinz : « Sur trois mandats, elle n’a rien fait pour améliorer notre situation, tempête-t-il. 
Elle a certes introduit des avantages pour les mères de famille, mais cela ne concerne pas tout le monde. Angela Merkel n’a aucune vision et je ne pense pas que cela changera par la suite ».


Les chômeurs.

Huit heures : le Jobcenter du quartier berlinois de Pankow vient à peine d’ouvrir ses grilles que déjà une quinzaine de personnes s’alignent devant le guichet d’accueil, enfermées chacune dans un cocon de silence anxieux. « Pourquoi je suis ici ? Parce que, si tu ne réponds pas à leurs convocations, ils te retirent le peu qu’ils te donnent, grommelle un quinquagénaire à voix basse. De toute façon, ils n’ont rien à proposer. À part peut-être un boulot de vendeur de caleçons à clous, qui sait. » 
L’allusion lui arrache un maigre sourire. Il y a un mois, une mère isolée de 36 ans, éducatrice au chômage, a reçu un courrier du Jobcenter de Pankow l’invitant, sous peine de sanctions, à postuler pour un emploi d’agente commerciale dans un sex-shop. 
« J’en ai vu de toutes les couleurs avec mon Jobcenter, mais, là, c’est le pompon », a réagi l’intéressée sur Internet, avant d’annoncer son intention de porter plainte pour abus de pouvoir.

À l’extérieur, sur le parking de la barre de logements sociaux, la « cellule de soutien mobile » du centre des chômeurs de Berlin est déjà à pied d’œuvre. 
Sur une table pliante installée devant le minibus de l’équipe, Mme Nora Freitag, 30 ans, dispose une pile de brochures intitulées « Comment défendre mes droits face au Jobcenter. »
 « Cette initiative a été montée en 2007 par l’Église protestante. Il y a beaucoup de détresse, beaucoup d’impuissance, aussi, devant ce monstre bureaucratique que les chômeurs perçoivent non sans raison comme une menace. »

Une dame, la soixantaine bien sonnée, s’approche d’un pas hésitant.
 Elle paraît affreusement gênée de s’afficher devant des inconnus. 
Sa retraite inférieure à 500 euros par mois ne lui suffisant pas pour vivre, elle touche un complément versé par son Jobcenter. 
Comme elle peine toujours à joindre les deux bouts, elle exerce depuis peu un emploi précaire à temps partiel (« minijob ») de femme de ménage dans un centre de soins, qui lui assure un salaire net mensuel de 340 euros. 
« Rendez-vous compte, dit-elle d’une petite voix affolée, la lettre du Jobcenter m’annonce que je ne lui ai pas déclaré mes revenus et que je dois rembourser 250 euros. Mais cet argent, je ne l’ai pas ! En plus, je les ai déclarés dès le premier jour, mes revenus, vous pensez bien. Il doit y avoir une erreur… » 
Un membre de l’équipe l’entraîne par le coude pour lui prodiguer ses conseils à l’écart : à qui adresser un recours, à quelle porte frapper pour porter plainte si le recours n’aboutit pas, etc. Parfois, le minibus sert de refuge pour traiter d’un problème à l’abri des regards. 
« C’est l’un des effets de Hartz IV, observe Mme Freitag. 
La stigmatisation des chômeurs est si prégnante que beaucoup éprouvent de la honte à seulement évoquer leur situation devant d’autres. » 

Hartz IV : ce marquage social découle du processus de dérégulation du marché du travail, dit Agenda 2010, mis en place entre 2003 et 2005 par la coalition Parti social-démocrate (SPD) - Verts du chancelier Gerhard Schröder. Baptisé du nom de son concepteur, M. Peter Hartz, ancien directeur du personnel de Volkswagen, le quatrième et dernier volet de ces réformes fusionne les aides sociales et les indemnités des chômeurs de longue durée (sans emploi depuis plus d’un an) en une allocation forfaitaire unique, versée par le Jobcenter. 
Le montant étriqué de cette enveloppe — 409 euros par mois en 2017 pour une personne seule — est censé motiver l’allocataire, rebaptisé « client », à trouver ou à reprendre au plus vite un emploi, aussi mal rémunéré et peu conforme à ses attentes ou à ses compétences soit-il. Son attribution est conditionnée à un régime de contrôle parmi les plus coercitifs d’Europe.

Fin 2016, le filet Hartz IV englobait près de 6 millions de personnes, dont 2,6 millions de chômeurs officiels, 1,7 million de non officiels sortis des statistiques par la trappe des « dispositifs d’activation » (formations, « coaching », jobs à 1 euro, minijobs, etc.) et 1,6 million d’enfants d’allocataires. Dans une société structurée par le culte du travail, elles sont souvent dépeintes comme un repoussoir ou une congrégation d’oisifs et parfois pis. 
En 2005, on pouvait lire dans une brochure du ministère de l’économie, préfacée par le ministre Wolfgang Clement (SPD) et intitulée « Priorité aux personnes honnêtes.
 Contre les abus, les fraudes et le self-service dans l’État social » : « Les biologistes s’accordent à utiliser le terme “parasites” pour désigner les organismes qui subviennent à leurs besoins alimentaires aux dépens d’autres êtres vivants. Bien entendu, il serait totalement déplacé d’étendre des notions issues du monde animal aux êtres humains. » 

Le Jobcenter peut aussi débloquer au compte-gouttes des aides d’urgence. Cela lui confère un droit de regard qui s’apparente presque à un placement sous curatelle. Compte en banque, achats, déplacements, vie familiale ou même amoureuse : aucun aspect de la vie privée n’échappe à l’humiliant radar des contrôleurs. 
Les 408 agences du pays disposant d’une marge d’initiative, certaines débordent d’imagination. Fin 2016, par exemple, le Jobcenter de Stade, en Basse-Saxe, a adressé un questionnaire à une chômeuse célibataire enceinte la priant de divulguer l’identité et la date de naissance de ses partenaires sexuels.

En France, les lois Hartz constituent depuis douze ans une source inépuisable de ravissement dans les cercles patronaux, médiatiques et politiques. 
L’ode rituelle au « modèle allemand » a encore gagné en puissance depuis l’arrivée à l’Élysée de M. Emmanuel Macron, pour qui « l’Allemagne a formidablement réformé  ». Un point de vue rarement contesté par les éditorialistes. 
« Le chancelier allemand Gerhard Schröder est passé en force pour imposer les réformes qui font la prospérité de son pays », a rappelé le directeur éditorial du Monde au lendemain de l’élection du candidat de la « start-up nation », pour l’exhorter à faire montre d’une poigne de fer dans ses propres réformes.
 L’économiste Pierre Cahuc, inspirateur avec Marc Ferracci et Philippe Aghion de la refonte du marché de l’emploi imaginée par M. Macron, salue lui aussi « l’exceptionnelle réussite de l’économie allemande ». 
Il estime que Hartz IV, non seulement « c’est mieux pour l’emploi », mais c’est préférable aussi pour diffuser la joie et la bonne humeur, puisque « les Allemands se déclarent de plus en plus satisfaits de leur situation, surtout les plus modestes, alors que la satisfaction des Français stagne ».

Entré en vigueur le 1er janvier 2005, Hartz IV vient s’imbriquer dans l’autre « paquet » de l’Agenda 2010, qui orchestre la dérégulation du marché du travail. 
Enfourner les chômeurs dans l’entonnoir salarial imposait de forger un large attirail d’outils à destination des employeurs : défiscalisation des bas salaires, lancement des minijobs à 400, puis 450 euros par mois, déplafonnement du recours au travail temporaire, subventions aux agences d’intérim faisant appel à des chômeurs de longue durée, etc. 
La fièvre de l’or s’empare des entrepreneurs, en particulier dans l’industrie des services. Ravitaillés en troupes fraîches par les Jobcenters, ils profitent de l’aubaine pour transformer des emplois réguliers en postes précaires — libre à ceux qui les occupent de faire à leur tour la queue au Jobcenter pour compléter leur petite paie.
 L’intérim explose, passant de 300 000 recrues en 2000 à près d’un million en 2016. Dans le même temps, la proportion des travailleurs pauvres — rémunérés au-dessous de 979 euros par mois — passe de 18 à 22 %. 
La création en 2015 du salaire minimum, fixé à 8,84 euros de l’heure en 2017, n’a guère inversé la tendance : 4,7 millions d’actifs survivent aujourd’hui encore avec un minijob plafonné à 450 euros par mois. 
L’Allemagne a converti ses chômeurs en nécessiteux.


La « règle d'or ».

Pierre angulaire du dogme de la rigueur économique allemande, le frein à la dette (Schuldenbremse) ou « règle d’or », inscrit dans le marbre de la Constitution dès 2009 et transposé dans le traité budgétaire européen ratifié en 2012, produit aujourd’hui de terribles effets collatéraux outre-Rhin sur l’emploi, la croissance et les équilibres territoriaux. 
Il nourrit en effet un phénomène de recul sensible des investissements publics. 
Le frein à la dette impose une réduction du déficit public structurel des finances fédérales à moins de 0,35 % du PIB jusqu'à la fin 2017 et prévoit une interdiction pure et simple des Länder à souscrire de nouveaux emprunts à partir de 2020.

Résultat : dans les réseaux de transport (routes, chemins de fer), l’État a investi bien moins que ce qui serait simplement indispensable pour faire face à l’usure des matériels. Des routes se couvrent de nids-de-poule. Des ponts, devenus trop dangereux, ont même dû être fermés.

Une étude récente de la banque publique KfW  évalue à quelque 120 milliards d’euros les retards d’investissements pour les seules municipalités et collectivités locales. 
Faute d’entretien, il pleut parfois dans certains amphithéâtres d’universités ou dans des classes des écoles publiques. 
Ce qui accentue les tendances à l’émergence d’une éducation à deux vitesses avec des différences de plus en plus marquées entre des pôles de formation élitistes choyés et un « tout-venant » public dégradé.

Marcel Fratzscher, chef économiste de l’institut de conjoncture de Berlin DIW, souligne dans un récent ouvrage que ce manque d’investissements entraîne « l’économie allemande dans une impasse ». 
Les problèmes sont si cuisants que Berlin vient de décider le lancement d’un plan de stimulation de ces investissements qui manquent à l’appel en recourant à une formule de « partenariat public/privé ». 
« Notoirement insuffisant et non sans menaces d’effets pervers aggravants », ont réagi les députés de l’opposition (Die Linke et Verts) qui viennent d’examiner le texte au Bundestag.

Alors le fameux modèle allemand vous en pensez quoi vous au comptoir?

C'était la tournée de Pascal Lecrom avec une bière allemande bien sûr, Shuss!
YA OUI KAVE!