LE KAVE SE REBIFFE

Bienvenue dans l'antre rebiffeuse branchée sur le courant alternatif de la KAVE.

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jeudi 29 juin 2017

Un Formateur Rugby se Rebiffe

"On s’étonne que les joueurs aient perdu l’art de manipuler le ballon mais ça fait quinze ans que dans les écoles de rugby on fait péter les gamins dans des boucliers. Les boucliers préparent au rugby autant que les poupées gonflables préparent au mariage." Jean-Pierre Ellisalde



 Ca plaque sévère en ce moment. 
On enregistre une nouvelle secousse de rebiffade!
Si vous fouillez à la Kave, vous trouverez quelques articles consacrés au sport (dans le libellé De la kave au grenier en passant par le jardin), mais on y aime aussi un peu plus le ballon ovale, alors quand un éducateur/formateur de l'Essonne pousse un coup de gueule, vient à se rebiffer au vu de la situation présente du rugby français, on ouvre nos esgourdes et on l'écoute avec attention. 
Diantre, la Kave s'intéresse autant à l'international qu'à son territoire local.
Donc, c'est parti pour une rebiffade de l'ovalie française.

ITW réalisé par le site du Rugbynistère que vous pouvez aller voir sur les deux liens suivants:



Sinon, vous pouvez rester au comptoir kaviste et lire ce qui suit.


Entraîneur des Crabos du RCME, Joffrey Delacour se confie sur le système actuel chez les jeunes et les agissements d'un rival de la région.

Son coup de gueule n'est pas passé inaperçu. Joffrey Delacour y parle de son rugby "qui se meurt". Formateur au Rugby Club Massy Essonne, il s'occupe des Crabos depuis sept ans au sein d'une formation souvent considérée comme l'une des références tricolores chez les jeunes. Elies El Ansari, William Iraguha ou Gabriel Ngandebe, récemment appelés chez les U20, sont tous passés sous ses ordres.
Pourtant, Joffrey se dit usé par le système et ce "nouveau rugby" où l'argent coule, même chez les jeunes. Il tire la sonnette d'alarme et dénonce (dans une interview à retrouver p. 2) les agissements du Racing 92, club concurrent de la région.

Il dit:

Il y a vingt ans, le rugby pro. Tout allait changer, en bien pour certains, en mal pour d’autres.
On allait arrêter les dessous de table généralisés, on allait enfin avoir un véritable statut de joueurs professionnels, les joueurs ventripotents laisseraient place aux Dieux du Stade et les stratégies de beuveries allaient laisser place aux stratégies marketing. 
On a laissé évoluer notre jeu (oui, c’est un jeu à la base) vers un sport (ben oui, les échecs c’est un sport) où les biscotos suppléent les passes dans le dos, fixer-donner est relayé par des cut-dos, et le French Flair laisse place aux autos tamponneuses. Bref, nous avons évolué.
Place au rugby édulcoré où on parle plus de densité, de stratégie, d’impact physique que de valeurs d’amitiés, de don de soi et de respect… Et pourtant !
Pourtant, nous ne parlons que de ça lorsque nous nous revendiquons rugbyman. Ne véhiculons pas cette image de mecs bien sous tous rapports. Nous nous amusons à dénoncer le foot et ses dérives à longueur de temps sans être capable de regarder notre nombril. C’est normal, nous sommes le sport idéal joué par des élus de Dieu sans doute. Il y a eux et nous, aime-t-on rappeler.
Pourtant, pourtant… Comment en est-on arrivé là ? Est-ce si mal ? N’est-ce pas ça le nouveau rugby ?
Personnellement, je suis convaincu que c’est un savant mélange des deux, et si je suis à Massy, c’est pour moi tout sauf un hasard.
Pourquoi ce débat ? Parce qu’aujourdhui, nous formons les hommes de demain. 
Il serait alors aisé de tout reporter sur des jeunes ados en pleine construction et d’employer la fameuse rengaine moult fois entendue sur tous les bords de stade : « c’est générationnel, à mon époque… ». Mais pour moi ce n’est pas ça.
Il faut savoir et surtout dénoncer !
Quand notre meilleur ennemi vient titiller nos jeunes pépites alors à peine agées de 15 ans pour certains, en leur proposant de beaux contrats juteux que même leurs parents ne touchent pas.
Que ce dernier les fasse venir la veille d’un huitième de finale d’un match de championnat de France pour leur montrer leurs installations luxuriantes. C’est sur, ça fait rêver comparé aux 4 ballons, 4 plots, et la forte odeur de sueur de chez nous… Mais nous il reste les copains autour du ballon.
Qu’ils soient reçus comme des grandes stars où se succédent les Masoe, Labit, Travers lors d’une journée où se mêlent rencontre des pros, repas, cadeaux… Encore une fois, que leur montre-t-on ?

Qu’encourage-t-on ? Où sont les valeurs, est-on encore éducateurs ? Par ailleurs, sommes-nous juste humain quand on considère des joueurs (plutôt adolescents) comme une opération financière ?
L’an dernier déjà, notre plus grand espoir au poste de demi de mêlée s’en est allé vers la puissante équipe des Hauts de Seine. Il n’avait alors que 15 ans. Il allait être en concurrence avec son vis-à-vis en équipe de France -17 ans. Aujourd’hui, l’un des deux n’y est plus. Grande marque de respect pour l’un, beaucoup moins pour l’autre ayant fait ses classes au club.
Alors certains me diront, si c’est pour aller voir plus haut… mais non : même division, même classement, même région !
Moi entraineur, je n’accepterai pas qu’un joueur mineur touche de l’argent (1500 euros c’est rien me direz-vous) pendant que son partenaire qui l’épaule, court, sue, plaque, pleure et souffre pour lui n’en touche pas.
Dans la même veine, des pseudos agents (allez je suis gentil je ne citerai pas M. B…..S) contactent les mômes d'à peine 16 ans par Facebook pour les placer dans d’autres clubs… Le pire me direz-vous, c’est qu’ils ne connaissent même pas leurs caractéristiques, se basant uniquement sur les listes fédérales. Et quand mes joueurs me parlent de ça, ils se font traiter de balances par les autres, triste rugby !

Nous avons une idée sur Massy qui est de structurer l’enfant avec des valeurs de d’être humain et de collectif fort avant tout. Le parcours se fera simplement en allant le plus vite possible vers la case équipe première. Les meilleures s’en iront vers d’autres cieux car si nous sommes des tremplins pour Ris Orangis, Viry, Sarcelles, Terres de France… Massy devient aussi un tremplin pour Toulouse, Clermont, Stade Français… et même le Racing !!!
Les autres porteront fièrement le maillot de la première ou repartiront dans leur club d’origine porter fièrement les valeurs du rugby.
Alors Messieurs les Racingmen, Messieurs les Agents peu scrupuleux, les enfants ne sont pas de la marchandise. Tout ne se vend pas et ne s’achète pas comme vous semblez le penser.
Vous semblez l’avoir oublié, dommage pour vous et tant mieux pour nous.
Ne touchons pas aux enfants, laissons-les le plus longtemps possible rêver, s’éclater, oser. Ils auront bien le temps de se formater aux valeurs du nouveau rugby avec ses défauts… et ses qualités

Salut Joffrey. Tu as signé ton coup de gueule par un "futur ex-entraîneur"... Tu quittes ton poste à Massy ?

Ça a été mal perçu. J’ai dit “un futur ex”, car pour moi, il y a toujours un moment où il faut s’arrêter. La fin de saison a été très longue. J’arrête ? J’arrête pas ? Je ne vis pas du rugby : à Massy, on ne peut pas. Mais ces trois derniers mois,plutôt que de coacher, j’ai passé plus de temps à dire aux gamins que dans leur intérêt, il ne fallait qu’ils partent maintenantÇa m’a vraiment usé.

Si tu devais proposer une ou deux mesures pour faire en sorte de ne plus avoir ce système que tu dénonces, tu ferais quoi ?

C’est compliqué (Rires). J’ai beaucoup réfléchi à ce qu’on pourrait faire pour endiguer ça. J’ai décidé de rempiler pour une saison en me demandant : “qu’est-ce qu’on peut faire avec les gamins pour les investir d’une autre façon ?” Sur les Crabos, je vais mener un projet social (intervention avec des handicapés, aller donner la soupe populaire le samedi soir…), et un projet rugby. Il faut leur faire comprendre qu’il n’y a pas que le rugby dans la vie. Après, sur les aspects purs et durs, je pense qu’il devrait y avoir des pactes de non-agression tant que les équipes jouent dans la même division, et tant que les mômes ne sont pas majeurs.
On est tous formés de la même façon, on a tous des diplômes d’état, on sait tous faire la même chose sur le terrain… L’idée, c’est de redonner un peu de sens et un peu de valeurs au milieu de ce rugby qui se perd, notamment chez les jeunes.

En ce moment, le débat qui fait parler, c’est celui de la formation. Toi qui est au coeur de ce projet, tu comprends les interrogations et les inquiétudes qu’on peut avoir ?

Mais évidemment que je les comprends… C’est compliqué, parce que dans le rugby, tout le monde pense qu’il bosse mieux que celui d'à côté. On n’est pas capables de se mettre autour d’une table pour discuter. Prenons un exemple technique concret : un 3 contre 2. En sélection, la base, c’était fixer-donner, fixer-donner… Aujourd’hui, ils le jouent sur une cut-dos (un attaquant fait un leurre devant la défense pour la bloquer, et le porteur de balle fait la passe dans son dos, ndlr).
A Lakanal, qui est le pôle que je connais le plus, on a souvent des gamins qui sont extrêmement forts sur les duels, athlétiquement. Par contre, ils ont du mal avec le jeu devant la défense parce qu’ils ne sont que quinze, donc c’est compliqué de jouer. Puis lorsqu’ils sont en troisième année, s’entraîner avec des u15, pour eux c’est trop facile… C’est aussi pour ça que les choses n’évoluent pas.

La solution miracle, ce serait quoi ?

Il n’y en a pas. Déjà, je pense que les mômes doivent être plus imprégnés de ce qu’a été la force du rugby pendant des années. Je leur montre toutes les vidéosdes U20 All Blacks. Tu les vois jouer, ils ne font rien de sensationnel : mais ils le font très bien, à pleine vitesse, ils maîtrisent parfaitement toute la panoplie technique individuelle, dès qu’il y a un mec qui sort du système de jeu, les autres s’adaptent… Pour moi, c’est LA référence à suivre.
Après, pour moi, il faudrait que les clubs et les pôles réussissent à s’entendre plus.

Dans ton texte, tu évoques un jeune demi de mêlée recruté très tôt puis remercié du jour au lendemain. Tu as d’autres exemples ?

On a fait venir en métropole un jeune joueur qui avait été recommandé par le conseiller technique de la Réunion. Au bout d’un an, il n’avait toujours pas de sélections. Pas de sélections ? Eh bah tu dégages. C’est la triste réalité. On est cool, on le loge mais on ne le veut plus car son niveau est trop faible. Il faut se rendre compte des méthodes peu scrupuleuses d’un club voisin. Avec le Stade Français, on ne marche pas du tout de cette façon.

Ce club voisin, c’est donc le Racing 92 ?

Ceux qui ont les pleins pouvoirs sur l’Île-de-France, c’est le Racing. Ils sont gorgés d’argent et ils pensent qu’ils ont le droit d’acheter tout le monde. Ils ont eu une politique de non-agression par le passé mais ils nous l’ont dit clairement : “on n’en a plus rien à faire, on veut la meilleure équipe chez nous.”

Le Stade Français évolue également chez les professionnels… mais pas la même politique ?

Ça n’a rien à voir. Prenons l’exemple de Sekou Macalou. Il est parti à vingt ans avec un contrat derrière. Il avait déjà fait un peu de Pro D2 et plutôt que de passer par la case Espoirs, il est allé jouer directement avec les pros.
Je vais te donner un autre exemple : même si mes deux meilleurs joueurs chez les Crabos partent maintenant et s’en vont au Racing, je suis sûr qu’ils seront pros. Ce sont deux supers joueurs et deux supers gamins. Mais nous ce qu’on leur propose, c’est de faire une année de Crabos, tout en étant régulièrement surclassés avec les Espoirs. L’année d’après, jouer avec les Espoirs et un peu de Pro D2, et derrière, à dix-neuf ans, ils partent directement jouer dans les équipes premières des grands clubs. Le Racing, ils ne sont pas fous : il leur propose 1500€ pendant trois ans. Mais il n’y en a pas un qui part. Et ça, pour moi, c’est vraiment une réussite. Le problème, c’est qu’une fois que le loup est dans la bergerie...
Elies El Ansari ne part que cette année et sera numéro 2 ou numéro 3 à son poste. C’est quand même bien plus intéressant que de quitter le club à 16 ansavec des grands projets où on te monte la tête en mangeant avec Laurent Travers ou en buvant une bière avec Dan Carter.

Un mot pour conclure sur le sujet ?

Pour moi, il faut laisser les gamins tranquille. A l’époque, c’est Alain Gazon qui s’occupait de détecter les jeunes joueurs pour Massy. Aujourd’hui, il est au Racing et on sait ce qu’on lui doit. Il a énormément bossé, il n’y a pas de problème. Il a toujours fait les choses à l’ancienne : je vais à Ris Orangis, sur Orsay, je débarque chez les parents avec une bouteille de pif et je fais signer le joueur.
Cette méthode-là, on n’a plus envie de la faire. On a envie de bosser avec des clubs partenaires, et si on est un tremplin pour Ris, Orsay, Trembley ou Viry-Châtillon, on se doit aussi d’être un tremplin pour les meilleurs afin qu’ils aillent à Clermont, au Racing ou au Stade. Mais pas quand on joue dans la même division ou dans le même secteur. Mon coup de gueule, c’est sur le fait de prendre des jeunes qui ne sont pas majeurs pour de la marchandise.
All Blacks approve this message

Nous verrons quelle réponse ce formateur obtiendra des instances du rugby français.
Un débat intéressant s'ouvre en tout cas.
Un lanceur d'alerte de l'Ovalie?
De quoi causer au comptoir...

Allez santé les Kavistes !
Ayez le vin joyeux dans une modération Bio ;)