"Toutes les analyses politiques, économiques et climatiques tendent à révéler que la terre tourne à l'enfer."
Sept jours pour une eternite... - Marc Levy
Telle une avalanche, Yoann de Docuclimat nous livre une longue analyse sur l'amplification (l'accélération?) du réchauffement climatique en ce début d'année. Hé oui, il ne fait pas que du documentaire l'ami DC, il fait aussi dans l'article de fond!
Vous pouvez lire la version au comptoir ou vous rendre à ce lien:
Je vous laisse avec le Docuclimatiste...Hum...
N'oubliez pas...
Amplification dangereuse du réchauffement climatique en cours ?
Un début d'année 2017 exceptionnel et révélateur
par Yoan de Docuclimat
2016 a été l'année la plus chaude depuis le début des relevés météorologiques (+0,99°C d'anomalie par rapport à la période 1951-1980, ou +1,2°C par rapport à 1880 (période de référence pour les COPs), dépassant ainsi la prévision centrale des modèles du GIEC. Or l'année 2017 risque bien, contrairement à ce que prévoyaient les principales agences météorologiques et climatologiques en Décembre, de dépasser l'année 2016. De plus, quelques signaux peuvent nous faire penser que nous assistons au début d'une amplification dangereuse du réchauffement climatique...
Graphique d'évolution de l'anomalie mondiale de température par rapport à 1880, tiré de l'excellent article du blog globalclimat :
L'année 2017 risque ainsi de nous créer d'autres mauvaises surprises, après les nombreuses catastrophes météorologiques et records de chaleur de l'année 2016:
Source : http://www.geoclimat.org/2016/08/records-nationaux-de-temperature-en-2016.html
Une petite mise en situation climatique s'impose pour mieux comprendre les anomalies marquées de températures relevées depuis la fin de l'année 2015 (début d'un des plus puissants el nino relevés).
De l'importance des phases la nina et el nino pour l'ensemble du climat mondial
Pour rappel, l'Océan Pacifique s'étend sur une surface de 166 241 700 km2, soit environ un tiers de la surface totale de la Terre, ce qui fait qu'il est d'un rôle clé pour l'ensemble du climat de la planète.
Nous sommes actuellement en train de sortir d'une période la nina. Un épisode la nina est une phase négative de l'ENSO, oscillation naturelle de l'Océan Pacifique, qui influence les anomalies de températures mondiales, en les faisant normalement redescendre par un stockage accru de la chaleur atmosphérique dans l'océan Pacifique.
Inversement, en période el nino (phase positive de l'oscillation), l'Océan Pacifique a tendance à ne plus stocker autant de chaleur et à en relâcher dans l’atmosphère, faisant ainsi grimper l'anomalie de température mondiale, tel qu'il a été observé durant l'hiver 2015-2016.
Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/El_Ni%C3%B1o
Cependant, au cours de la phase la nina, dont nous sortons à peine, les anomalies de températures mondiales sont restées particulièrement élevées, au niveau de la moyenne des anomalies records relevées en 2015-2016 (avant et après le pic d'el nino), ce qui est du jamais vu et soulève nombre d'interrogations...
De plus en ce mois de Février 2017, les anomalies se sont mis à remonter subitement et ce à des niveaux exceptionnels, comparable au pic de température relevé lors d'un épisode el nino. Au vu des anomalies de températures prévues durant les 7 prochains jours, ce qui nous amène à la fin du mois, et au vu des températures mondiales déjà relevées, l'anomalie de température mondiale de Février se situerait aux alentours des +1,35°C par rapport à la période pré-industrielle (1880), c'est à dire à un dixième de degré près de l'objectif à ne pas dépasser de +1,5°C pris lors de la COP21 (objectif pour la fin du siècle) !
La phase négative d'oscillations naturelles de l'Océan Pacifique nous a jusqu'ici préservé d'une accélération du réchauffement climatique
Une partie de la réponse est à chercher au niveau des océans, et notamment de l'Océan Pacifique. En effet, les océans sont de puissants régulateurs du réchauffement climatique dû à nos émissions de gaz à effet de serre : si nous n'avions pas ces derniers comme tampon climatique, les gaz à effet de serre émis auraient déjà élevé la température atmosphérique moyenne sur Terre de +36°C ! N'oublions pas non plus que les océans sont le principal puits de C02 sur Terre, ce qui nous protège encore plus d'une élévation catastrophique des températures, mais qui cause une acidification des océans comparable à celle qui a prévalu lors des dernières grandes extinctions de la vie marine !
Les puissantes oscillations naturelles du Pacifique (L'IPO et la PDO) ont en outre permis, depuis le début des années 2000, de stocker une quantité supplémentaire, et non-négligeable, de chaleur excédentaire atmosphérique. L'IPO (Oscillation Interdécennale du Pacifique) et la PDO (Oscillation Décennale du Pacifique) étaient en phase négative durant les années 2000 (leurs phases négatives sont comparables, mais sur le long terme, à l'effet de la nina sur les températures mondiales atmosphériques, du fait d'un stockage accru de chaleur dans l'Océan Pacifique).
Cependant, ces oscillations naturelles sont rentrées en phase positive depuis 2014 pour la PDO et 2015 pour l'IPO. Or en phase positive de ces oscillations, et couplée à la formation de nombreux el nino successifs, l'Océan Pacifique risque de relarguer une partie importante de la chaleur qu'il avait stockée jusqu'ici et de ne plus en stocker aussi facilement...
Ce qui se serait d'ailleurs passé en 2016, expliquant pourquoi l'anomalie de température mondiale n'est pas redescendu à des niveaux "normaux" après la fin de l'épisode el nino en Avril 2016 et pourquoi les anomalies de températures mondiales en plein cœur de cet épisode ont été plus qu'exceptionnelles (en Février 2016, l'anomalie dépassait ainsi l'objectif de +1,5°C d'ici 2100 fixé lors de la COP21 !).
A ce propos, lire aussi :
Si la phase positive des oscillations naturelles du Pacifique, PDO et IPO, se confirment (leurs phases négative précédentes, depuis 1998, ont permis de "calmer" le réchauffement climatique : rythme de +0,12°C de réchauffement/décennie), nous avons donc de quoi nous inquiéter pour la décennie à venir en terme d'accélération du réchauffement climatique. Les phases positives de ces cycles, qui favorisent d'ailleurs l'apparition d'épisodes el nino, durant plus une décennie (pour la PDO) à près de deux décennies (pour l'IPO)... Les scientifiques étudiant de près ces cycles estiment, grâce à des modélisations effectuées dans des supercalculateurs, que le rythme du réchauffement climatique sera de +0,22°C par décennie durant cette phase positive actuelle, nous faisant ainsi dépasser les scénarios mêmes les plus pessimistes du GIEC sur la décennie à venir...
Il serait alors tentant de se dire, que ces phases positives ne feront que dépasser temporairement les modélisations du GIEC et des autres organismes tels que la NASA, NOAA, etc.... Dans une à deux décennies, la phase négative des ces cycles nous fera au contraire passer sous la courbe des modélisations du GIEC et la tendance décrite n'en serait que perturbée temporairement.
Pourtant, tout indique à croire que ces oscillations naturelles commencent à être dépassées par d'autres facteurs, qui peuvent accélérer notablement le réchauffement climatique (bien que la phase positive participe en partie du déclenchement de ces facteurs, mais nous verrons cela plus tard). Ainsi, la phase positive de ces oscillations n'explique toujours pas la grande partie des anomalies exceptionnelles relevées durant l'année 2016, de même qu'en Janvier 2017 et surtout Février 2017 (une phase la nina, même faible comme relevée actuellement, et dans le contexte d'IPO et de PDO positives, n'a jamais provoqué une augmentation des températures !).
Petit détour par l'Antarctique, la fonte de la calotte polaire pourrait bien s’accélérer !
Fait inquiétant au passage d'ailleurs, les phases positives de l'Océan Pacifique, couplé à des el nino majeurs, favorisent la survenue aux côtes de l'Antarctique Ouest de puissants courants chauds (dont la chaleur est d'ailleurs accrue par le réchauffement climatique) qui vont fragiliser d'autant plus les énormes glaciers de cette partie du continent (quasiment tous situées sur un socle continental situé sous le niveau de la mer et donc très sensibles à ces courants...).
Or, de nombreuses recherches montrent que les glaciers de l'Antarctique Ouest pourraient bel et bien commencer à fondre et à se fracturer massivement au cours de ce siècle (+7m d'élévation du niveau de la mer si tous les glaciers de l'ouest de l'Antarctique fondaient...), ce n'est donc pas la survenue possible de ces puissants courants chauds qui vont améliorer la situation critique en Antarctique !
Lire à ce propos :
http://leclimatoblogue.blogspot.fr/2017/02/points-de-basculement-atteints-en.html (Article que je vous recommande vivement de lire)
Pourquoi le risque est important d'une amplification forte du réchauffement climatique par le dépassement de seuils climatiques et d’enclenchement de boucles de rétroactions positives.
Ainsi, la survenue d'une IPO positive et d'une PDO positive ne peuvent expliquer totalement ce nous observons d'inédit en ce début d'année 2017 en période la nina ( l'ENSO ést repassé en phase neutre depuis le début de ce mois).
Une autre partie de la réponse à ce début d'accélération du réchauffement climatique (à confirmer dans les mois et années qui viennent) est ainsi à chercher du côté des boucles de rétroactions positives.
En effet, si vous pensez que l'évolution du climat est linéaire, vous vous trompez, car le passé climatique de la Terre (étudié par les paléoclimatologues) a déjà montré que la Terre pouvait subitement changer d'état climatique. En plus des oscillations naturelles du climat, des seuils climatiques peuvent ainsi être dépassés sous l'effet d'un paramètre important dépassant le facteur des oscillations naturelles du climat (paramètres orbitaux de notre planète par rapport au soleil, dégagement massif de méthane, de CO2, etc...). Une fois ces seuils dépassés ou points de basculement, des facteurs amplificateurs ou réducteurs peuvent s'enclencher, or toute la communauté scientifique travaillant sur le sujet a évalué que ce sont principalement des boucles de rétroactions positives (c'est à dire amplificatrices) qui rentrent en action suite au relargage massif de gaz à effet de serre dans l'atmosphère...
Malheureusement, la puissance de ces boucles de rétroactions (ou feedbacks) positives est encore mal évalué ou même non prise en compte par le GIEC pour ses modélisations (soit car ces mécanismes ne sont pas encore assez évalués, soit parce que l'incertitude est trop grande). Or tel que la fonte de la banquise Arctique en été, qui a été sous-évalué par le GIEC, entraînant une baisse de l'effet albédo, et donc un plus fort stockage de chaleur en Arctique, et donc une plus forte fonte, etc... ces potentielles bombes climatiques ont pourtant tout intérêt à être prises en compte et communiquées, même si elles ne peuvent pas être rentrées dans les modélisations !
Lire à ce propos :
https://www.cnrs.fr/publications/imagesdelaphysique/couv-PDF/IdP2005/05Letreut.pdf
Le réchauffement observé en Arctique ces derniers mois, allant au delà de l’extrême (jusqu'à +30°C d'anomalie relevé en Arctique, c'est comme si nous relevions 40°C en plein mois de février par chez nous !), est d'ailleurs dû au déclenchement d'une nouvelle boucle de rétroaction positive, non prise en compte par le GIEC, et potentiellement dévastatrice pour la banquise dans les années qui viennent (mais aussi pour la calotte polaire Groenlandaise) :
De nombreux feedbacks amplificateurs sont ainsi déjà déclenchés et s'accélèrent : baisse de l'effet albédo dû à la fonte de la banquise, baisse de l'effet tampon des écosystèmes dû à leur destruction (déforestation, urbanisation, ...) et leur stress climatique, érosion et minéralisation massive de la Matière Organique des sols (agriculture intensive), moindre stockage du C02 par les océans du fait de la diminution de la population du phytoplancton sous l'effet du réchauffement des océans et de la baisse en oxygène des ces derniers, etc...
Toutes ces boucles de rétroactions positives, et je ne les ai pas toutes citées, sont ainsi favorisés par l'ensemble de nos activités humaines inconséquentes sur la nature... Enfin, passé un certain seuil de réchauffement climatique, une autre bombe climatique pourrait se déclencher : la libération massive de méthane dû à la fonte du permafrost océanique et terrestre Arctique (phénomène déjà relevé dans le passé climatique de la Terre, bien qu'il nous faudrait pour cela dépasser un seuil élevé de réchauffement climatique, ce qui n'arrivera pas si nous réduisons drastiquement nos émissions de gaz à effet de serre)...
Pour plus d'infos sur ces feedbacks, je vous conseille fortement la lecture des articles du blog le climatoblogue :
Ainsi que :
Ces boucles de rétroactions positives font peser une épée de Damoclès bien trop importante à l'avenir de la biodiversité sur Terre et à l'humanité, pour que nous les retirions des modèles à cause de l'incertitude qui y est lié, et ce d'autant plus que ces dernières années les recherches scientifiques abondent dans le sens d'une sensibilité climatique plus forte que prévue aux gaz à effets de serre et aux boucles de rétroactions positives (notamment grâce aux recherches sur les climats du passé de la Terre corrélé aux niveaux de gaz à effet de serre correspondant)...
Voir aussi à propos de la sensibilité climatique : https://global-climat.com/2016/03/16/de-nouvelles-preuves-de-la-sensibilite-climatique-au-co2/
Or, le rythme de concentration des gaz à effet de serre dans l’atmosphère s'accélère, alors que nos émissions de CO2 stagnent depuis 3 ans... De même la hausse des températures aux pôles devient de plus en plus extrême allant bien au delà de ce qui était attendu par l'ensemble de la communauté scientifique... Nous observons bien une augmentation des conséquences des boucles de rétroactions climatiques et ce n'en est surement que le début...
En quoi les oscillations naturelles du Pacifique risquent de nous entraîner vers de dangereux points de basculement du climat
La période à venir sera déjà des plus chaudes du fait de l'entrée en phase positive de l'IPO et de la PDO, effet qui se rajoutera à la tendance croissante au réchauffement climatique, mais comme nous l'avons vu précédemment, elles n'expliquent pas à elles seules les températures relevées depuis le début de l'année, de même que les températures extrêmes relevées en Arctique (à ce propos, depuis début Février, l'Arctique a cessé de "s'embraser", or les températures mondiales restent particulièrement élevées, l'amplification Arctique n'explique donc pas à elle seule ce qui se déroule d'inquiétant sous nos yeux...).
Il ne faut pas se fier aux courbes linéaires en croissance, le système climatique ne connait pas ce genre de fonction linéaire, il connait la régulation jusqu'à certain point jusqu'au jour où un effet de seuil est dépassé... Les phases positives des oscillations du Pacifique vont ainsi entraîner une hausse majeure du réchauffement climatique dans la décennie qui vient, mais risquent aussi de libérer une quantité supplémentaire de chaleur, du fait de l'accumulation de chaleur impressionnante dans les océans depuis 1998. Des points de basculement majeurs pourraient être franchis du fait de cette hausse sensible du réchauffement climatique. Des seuils dépassés sur lesquels nous n'aurons que peu de prise, et qui enclencheront de dangereuses boucles de rétroactions positives, à moins de stopper dès maintenant nos émissions de gaz à effet de serre...
En matière de climat, le pessimisme est de mise. Nous ne pouvons jouer avec un climat qui nous a permis de nous développer en tant qu'espèce et qui risque bien de nous achever si nous continuons à le modifier. Et que faisons-nous des millions d'espèces animales et végétales qui ne pourront s'adapter à un réchauffement climatique inédit dans l'histoire de l'évolution (en terme de rapidité et de par son ampleur, le réchauffement climatique actuel est comparable à ceux qui ont prévalu lors d’événements catastrophiques responsables de grandes extinctions!)? Sans compter que nous détruisons les maigres chances d'adaptation du vivant, mais aussi les nôtres, en détruisant les écosystèmes de notre planète !
Nous n'avons aucun intérêt à être optimiste sur notre capacité à nous adapter ou à changer par la marge notre système économique, pour contrer le réchauffement climatique et la disparition de la vie sur Terre :
Seul des mobilisations collectives fortes et la création et redécouverte d'alternatives au système économique actuel pourront nous permettre de sortir de cette situation climatique à haut risque.
Resterons nous assis bien sagement à attendre que gouvernements et multinationales arrangent à leur petite sauce des politiques susceptibles de ne pas entraver le modèle économique qui nous mène au bord du gouffre ?...
Yoann
N.B : Un futur el nino est de plus en plus modélisé pour la fin de l'année 2017. Or au vu des températures relevées au cours de la nina 2016-2017, il est fort à parier que les températures vont s'envoler à nouveau vers des niveaux records et inquiétants si la prévision se confirme !
Voir aussi les prévisions de l'institut Américain NOAA :
https://www.cpc.ncep.noaa.gov/products/analysis_monitoring/lanina/enso_evolution-status-fcsts-web.pdf
Autre N.B : Pour celles et ceux qui croient encore que le réchauffement climatique est causé par une activité solaire plus prononcé, malgré les relevés montrant que l'activité solaire est au contraire plus que faible et déclinante depuis une décennie, voici cet excellent graphique :
Ce qui est frappant, c'est que justement le réchauffement climatique particulièrement marqué depuis 2015 tandis que l'activité solaire est en train d'atteindre un période de très faible inactivité... N'imaginons pas ce cela aurait été si le soleil se situait actuellement dans une phase particulièrement active, bien que l'irradiation solaire ne participe au maximum qu'à des variations de température mondiale d'un à deux dixièmes de degré.
Pour rappel aussi, le GIEC n'est pas une organisation scientifique, il s'agit d'un organisme composé d'experts scientifiques chargé de collecter, synthétiser et vérifier les milliers d'études scientifiques liées au climat pour en faire un résumé pour l'ensemble de la communauté internationale. Les milliers d'études scientifiques dont il s'inspire pour ses modélisations et évaluations ne sont donc pas écrites par le GIEC, ces études étant elles-mêmes vérifiés par des pairs avant publication dans des revues scientifiques tels que Nature. Or parmi ces milliers d'études scientifiques, plus aucune étude climatosceptique n'est aujourd'hui validée scientifiquement !
Les très rares études scientifiques climatosceptiques sont d'ailleurs grassement rémunérés par l'industrie des énergies fossiles afin de semer le doute et de pousser à l'inaction contre ces dernières !
Lire aussi à ce propos :
Pour en savoir plus sur le réchauffement climatique actuel :