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jeudi 6 septembre 2018

Lire Délivre: Naomi Klein

"Martyrs" par Manon Aubry

"L'une des armes du néolibéralisme consiste à déclarer la guerre à l'imagination en faisant croire qu'il n'y a pas d'alternative , qu'on est parvenu à la fin de l'histoire ." 
 Naomi Klein- Dire non ne suffit plus





A la Kave, on suit assidûment Naomi Klein depuis la sortie de son livre  No Logo : La tyrannie des marques sorti en 2001. La canadienne est aussi journaliste, réalisatrice  et donc essayiste de plusieurs ouvrages remarqués et remarquables dont le dernier s'intitule: 
"Tout peut changer : Capitalisme et changement climatique". 
Le Médiapresse.fr a publié récemment un article  de Madame Klein avec la traduction qui va bien à la plus grande satisfaction des réfractaires à la langue anglaise. 
Voici le lien direct, mais vous pouvez également rester à notre comptoir et lire cet article en toute quiétude, si tant est que le sujet soit loin d'être apaisant...



LE CAPITALISME EST LA CAUSE DU DÉRÈGLEMENT CLIMATIQUE
PAR NAOMI KLEIN

Demain Dimanche [4 août – ndlr], un seul article occupera l’intégralité du magazine du New York Times, et portera sur un sujet unique: l’absence de réaction face à la crise climatique mondiale dans les années 80, à l’époque où du point de vue scientifique la question était réglée, mais aussi où les opinions politiques semblaient tenir compte de ce point de vue. L’auteur de l’article est Nathaniel Rich, dont le travail d’historien foisonne de révélations d’initiés sur le refus de prendre certaines décisions, ce qui me fit jurer à voix haute à de nombreuses reprises. Au cas où le moindre doute subsisterait quant au fait que les conséquences de ces non-décisions graveront une empreinte suffisamment profonde pour définir une ère géologique, un reportage de photographie aérienne de George Steinmetz ponctue le texte de Rich, et notre regard ne peut se détacher de ces témoignages sur le délitement accéléré des systèmes planétaires, depuis la transformation de la glace du Groenland en un déchaînement d’eaux vives, jusqu’aux gigantesques efflorescences algales du troisième lac chinois par la taille.

La longueur de l’article est celle d’un court roman; il constitue un exemple du type de prise de position médiatique que la crise climatique mérite depuis longtemps, mais dont elle ne bénéficie presque jamais. Un sujet aussi trivial que le pillage de notre unique habitat ne mérite pas de faire les gros titres, et la litanie de justifications à une telle affirmation ne nous est que trop familière: « Le changement climatique est un problème de bien trop long terme »; « Il est malvenu de parler politique, au moment où des gens périssent, victimes d’ouragans ou d’incendies »; « Les journalistes s’adaptent à l’actualité, ne la créent pas »; sans oublier, bien entendu: « Rien de tel pour fracasser l’audimat ».

LA RESPONSABILITÉ DES MÉDIAS
Aucune de ces excuses ne saurait dissimuler le manquement au devoir. Les médias dominants ont toujours eu le pouvoir de décider, tout seuls, que la déstabilisation planétaire était un sujet d’actualité de la plus haute importance; parmi ceux du moment, il est sans aucun doute le plus lourd de conséquences. Ils ont toujours eu cette capacité de mobilisation des talents de leurs journalistes et photographes, qui leur permettrait de mettre en évidence le lien entre sciences abstraites et évènements climatiques extrêmes, tels qu’ils sont vécus. Le feraient-ils avec constance, qu’ils atténueraient le besoin pour les journalistes de déterminer l’agenda politique, dans la mesure où un public mieux au fait de la menace comme des solutions concrètes, tend à pousser ses élus à prendre des mesures courageuses.

Ainsi s’explique l’exaltation ressentie en apprenant que le Times mobilisait l’intégralité des troupes de sa machine éditoriale pour soutenir l’opus de Rich – à coups de film promotionnel, de lancement télévisé en direct depuis le Times Center, en passant par la publication de matériel pédagogique dédié.

Ainsi s’explique également, la colère qui nous étreint à la lecture d’un article dont les prémisses sont à ce point erronées. Selon Rich, entre 1979 et 1989, la science fondamentale du changement climatique était comprise et acceptée, le sujet n’avait pas encore provoqué de clivage partisan, les compagnies d’exploitation des énergies fossiles n’avaient pas encore entamé de véritable campagne de désinformation, enfin une puissante dynamique politique semblait entraîner le monde vers la conclusion d’un accord international de réduction des émissions, à la fois ambitieux et contraignant. Lorsqu’il parle de cette période-clé, à la fin des années 80, Rich écrit: « Toutes les conditions du succès étaient réunies ».

Mais nous avons tout gâché – « nous », c’est à dire les humains, dont la myopie sévère nous empêche de sauvegarder notre avenir. Et au cas où nous n’aurions pas bien compris sur qui, ou sur quoi, rejeter la responsabilité de notre « perte de la terre », la réponse de Rich se présente sous la forme d’un cri indigné en pleine page: « Tous les faits nous étaient connus, aucun obstacle ne barrait la voie. C’est à dire … aucun, à part nous-mêmes. »

Ouais … vous, moi. Selon Rich, pas les compagnies pétrolières, qui participèrent à chacune des réunions politiques dont l’article fait mention. (Essayez d’imaginer un gouvernement étasunien qui chargerait l’industrie du tabac de rédiger les politiques visant à interdire de fumer. Au cas où ce type de réunions échouerait à prendre la moindre mesure concrète, devrait-on en conclure à la tendance suicidaire des populations? Devrait-on, au contraire, pencher pour la corruption d’un système politique à l’agonie?).

Depuis mercredi, date de la mise en ligne de la première version de l’article, de nombreux scientifiques et historiens ont souligné ce contresens. D’autres ont attiré l’attention sur les invocations insupportables à la « nature humaine », ainsi que sur le « nous » de majesté, utilisé pour décrire un groupe de personnages très influents, dont l’homogénéité est à mourir de rire. On ne trouve, dans le compte rendu de Rich, pas la moindre allusion à ces dirigeants de « Pays du Sud », qui exigèrent des mesures contraignantes, pendant et après cette période-clé, et dont l’humanité, bizarrement, ne les empêchait pas de se soucier des générations futures. Parallèlement, il est aussi rare de percevoir l’écho d’une voix féminine dans le texte de Rich, que d’observer des pies à bec ivoire en pleine nature – et si nous, mesdames, finissons bien par apparaître, c’est avant tout dans le rôle de déesses de douleur, épouses de héros tragiques.

DES POLITIQUES TOUT AUSSI COUPABLE
Rich finit par conclure que tout fut gâché par l’intervention de quelque chose du nom de « nature humaine », sans pour autant se soucier de fournir la moindre preuve, ni sociale, ni politique. Il affirme que « les êtres humains, qu’ils soient membres d’organisations mondiales, de démocraties, d’entreprises, de partis politiques, ou simplement en tant qu’individus, ont conscience du châtiment qu’ils infligeront aux générations futures, mais ils se révèlent incapables de sacrifier leurs habitudes de consommation présentes pour autant. On dirait que nous sommes incapables de nous détacher de « notre obsession du présent, notre souci du moyen terme, notre tendance à chasser le long terme de nos esprits, comme on recrache un poison ».

Mon analyse de la même période me fit aboutir à une conclusion diamétralement opposée: avec le recul, ce qui ressemblait au premier abord à l’opportunité idéale de mise en œuvre de politiques de préservation du climat, se révèle avoir été un anachronisme historique de première ampleur. En effet, l’analyse rétrospective de ce moment le fait apparaître clairement comme la conjonction du rassemblement de gouvernements enfin bien décidés à brider l’industrie pétrolière, et de la transformation en tsunami de la vague néolibérale, dont les objectifs de déconstruction économique et sociale entrèrent en collision frontale avec les impératifs de la science du climat d’une part, de l’imposition de règles permanentes aux grandes entreprises d’autre part. L’absence de la moindre allusion, même infime, à l’apparition de cette autre caractéristique du monde de l’époque, trace au cœur de l’article de Rich, un angle mort dont l’énormité donne le vertige. Après tout, le métier de journaliste offre cet avantage essentiel de pouvoir revenir sur le passé récent, en étant capable de discerner alors des tendances, des structures, demeurées invisibles aux yeux de celles et ceux qui furent emportés par ces bouleversements, en temps réel. Par exemple, en 1988, la communauté scientifique ne pouvait avoir conscience d’être en équilibre sur le bord d’un précipice, prête à basculer dans le creuset d’une révolution libérale dont les convulsions allaient remodeler toutes les principales économies de la planète.

Mais nous, nous savons. Lorsqu’on se penche sur la fin des années 80, il apparaît très clairement que 1988-89 étaient très loin de rassembler « des conditions de réussite on ne peut plus propices »; en fait, pour une humanité décidée à prendre la résolution ferme de placer la santé de la planète en tête de ses priorités, loin devant les dividendes, il s’agissait très probablement du pire moment.

Situons le contexte. En 1988, les États-Unis signèrent avec le Canada un accord de libre-échange qui allait servir de prototype aux innombrables traités du même genre conclus par la suite. La chute du Mur de Berlin était toute proche, un événement dont les idéologues étasuniens d’extrême-droite allaient réussir à s’emparer pour en faire à la fois la preuve de la « fin de l’histoire », et le blanc seing les autorisant à exporter aux quatre coins de la planète privatisations, dérégulation, austérité, à savoir les trois ingrédients de base de la recette Reagan-Thatcher.

Ce fut cette convergence de tendances historiques – l’émergence au niveau mondial de deux architectures, l’une en prévision de la lutte contre le changement climatique, et l’autre, beaucoup plus solide, destinée à libérer le capital de toute contrainte -, qui enraya le mouvement dont Rich procède à la juste identification. En effet, fait-il remarquer à de nombreuses reprises, la relève du défi de la lutte contre le changement climatique, aurait réclamé d’une part l’imposition de règles strictes aux pollueurs, d’autre part un plan d’investissements dans les services publics, afin de transformer nos modes d’alimentation en énergie, nos habitudes de vies dans les grandes villes, nos moyens de transport.

Tout ceci était possible dans les années 80-90 (et continue à l’être) – mais uniquement au prix d’une bataille frontale contre le projet néolibéral, qui lançait, à ce moment précis, une offensive contre l’idée même de service public (« La société est une chimère », nous répétait Thatcher). Parallèlement, les accords de libre-échange conclus à l’époque, faisaient tout leur possible pour rendre illégales au regard du droit du commerce international, de nombreuses initiatives bienvenues pour le climat – comme les subventions, ou la priorité accordées à l’économie verte localisée, ou le refus opposé aux nombreux projets polluants, comme les oléoducs ou la fracturation hydraulique.

J’ai écrit un livre de 500 pages sur cette collision entre planète et capitalisme, dont je ne vais pas ressasser les détails ici-même. Cependant, cet extrait traite le sujet en profondeur, c’est pourquoi je me permets d’en citer un court extrait:

Nous n’avons pas fait le nécessaire pour réduire les émissions, parce que la nature même de ce type d’actions entre en conflit avec le capitalisme dérégulé, à savoir l’idéologie dont le règne couvre toute la période au cours de laquelle nous nous sommes démenés pour trouver le moyen de sortir de cette crise. Nous n’avançons pas, parce que les mesures qui constitueraient notre meilleure chance d’éviter la catastrophe – et dont la très grande majorité bénéficierait – représentent une menace extrême pour une élite minoritaire qui tient en laisse les médias dominants, et bride nos économies comme notre fonctionnement politique. Ce problème n’aurait probablement rien eu d’insurmontable, s’il était survenu à tout autre moment de notre histoire. Mais pour notre grand malheur à tous, c’est au moment précis où la communauté scientifique présentait la menace pesant sur le climat sous forme de diagnostic irréfutable, que cette élite put jouir sans entraves de pouvoirs politique, culturel, intellectuel, qui n’avaient plus été aussi étendus depuis les années 20. En fait la diminution drastique des émissions de gaz à effet de serre avait fait l’objet de discussions sérieuses entre gouvernements et scientifiques dès 1988 – l’année même où se leva l’aube de ce que nous allions connaître sous le nom de « mondialisation ».

UN SOCIALISME DÉMOCRATE VERT COMME SOLUTION ?
Pourquoi l’absence de mention par Rich de cette collision, remplacée chez lui par l’affirmation selon laquelle c’est bien la « nature humaine » qui scella notre sort, nous importe-t-elle? Son importance tient au fait que, si « nous-mêmes » sommes la force qui enraya la mobilisation en faveur de l’action, alors la une fataliste du magazine du New York Times, – « La Perte de la Terre » – est effectivement appropriée. Si nous sommes incapables de faire des sacrifices à court terme, même dans l’espoir d’améliorer notre santé et notre sécurité dans le futur, et si cette inaptitude est une composante fondamentale de notre ADN collectif, alors nous ne saurions espérer être capables de changer le cours des évènements assez tôt, pour éviter un réchauffement vraiment catastrophique.

En revanche, si nous autres humains étions vraiment à deux doigts de nous tirer d’affaire dans les années 80, jusqu’au moment où un raz-de-marée élitiste de libre-échangisme fanatique nous submergea – en dépit de millions d’opposants aux quatre coins de la planète -, alors nous pouvons agir de manière on ne peut plus concrète. Nous pouvons faire face à cet ordre économique, afin d’essayer d’y substituer une alternative soucieuse de sécurité humaine et planétaire, qui ne maintiendrait pas en son centre, coûte que coûte, la recherche de la croissance et du profit.

Quant à la bonne nouvelle – car il y en a une – elle tient au fait qu’aujourd’hui, contrairement à 1989, un jeune mouvement, en pleine expansion, de socialistes démocrates « verts », fait campagne aux États-Unis autour d’un tel projet. Cette alternative n’est pas uniquement électorale – elle donne à voir notre seul et unique horizon vital.

Soyons clairs cependant: cet objectif, qu’il est indispensable d’atteindre, ne s’appuie sur aucun essai préalable, en tout cas pas à l’échelle requise. Lorsque le Times publia sur Twitter une accroche pour l’article de Rich, évoquant « l’inaptitude de l’humanité à juguler la catastrophe climatique », l’excellente aile écolo-judiciaire des Socialistes Démocrates d’Amérique, s’empressa de proposer cette correction: « *LE CAPITALISME* ; S’ils voulaient vraiment chercher les causes du déraillement, leur enquête porterait sur un capitalisme incapable de s’attaquer au problème posé par la catastrophe du changement climatique ». Malgré le capitalisme, *l’humanité* est tout à fait capable de s’organiser en modèles florissants de sociétés, délimités par les contraintes de l’écologie ».

Leur argument se tient, en dépit de ses failles. Rien n’oblige les humains à vivre sous le règne du capitalisme; nous, les humains, sommes capables de nous organiser sous les formes de toutes sortes d’ordres sociaux différents, parmi lesquels des sociétés dont l’horizon temporel serait beaucoup plus éloigné, ou plus aptes à respecter les systèmes soucieux de préserver les conditions de survie de la nature. En fait, c’est ainsi que les humains vécurent, sauf pendant une infime partie de notre histoire, et de nos jours encore bien des cultures indigènes perpétuent des cosmologies géocentriques. Le capitalisme n’est qu’une anomalie minuscule dans l’histoire collective de notre espèce.

Mais il ne suffit pas de pointer la seule responsabilité du capitalisme. Sans contestation possible, on peut affirmer que le capitalisme, en raison de sa soif inextinguible de croissance et de profits, se dresse comme un obstacle sur l’unique chemin menant à la transition rapide vers la sortie des énergies fossiles. Sans contestation possible, on peut également affirmer que la propagation sur toute la planète, dans les années 80-90, d’une forme débridée du capitalisme connue sous le nom de néolibéralisme, explique à elle seule le pic désastreux des émissions au cours des dernières décennies, au niveau mondial, et constitue aussi l’unique pierre d’achoppement, sur laquelle les gouvernements continuent de buter, depuis qu’ils se réunissent (et parlent, encore et encore), au moment de prendre des mesures de sauvegarde du climat, d’inspiration scientifique. Il s’agit aujourd’hui encore de l’obstacle principal, même dans des pays, comme la France et le Canada, qui se vantent d’être en première ligne dans la bataille climatique.

Cela dit, il nous faut faire preuve d’honnêteté, et admettre que le socialisme industriel autocratique fut tout aussi désastreux pour l’environnement, comme le prouve la chute brève mais spectaculaire des émissions au début des années 90, soit au moment où s’effondrèrent les économies de l’ex-Union Soviétique. Ainsi que je l’écrivais dans Tout Peut Changer, le populisme pétrolier du Venezuela perpétue cette tradition toxique de nos jours, avec des conséquences désastreuses.

Reconnaissons-le, tout en soulignant que des pays de forte tradition social-démocrate – comme le Danemark, la Suède, ou l’Uruguay – appliquent des politiques qui comptent parmi les plus visionnaires au monde en matière d’environnement. Ce qui nous amène à conclure que, si socialisme et écologie ne vont pas forcément de pair, une nouvelle forme d’éco-socialisme démocratique, suffisamment humble pour retenir les leçons des enseignements indigènes sur nos devoirs envers les générations futures, comme sur l’interconnexion de toutes les formes de vie, a toutes les apparences du pari le moins risqué, pour une humanité en quête de survie collective.

Tel est l’enjeu de la floraison de candidatures politiques issues du tissu associatif, dont les campagnes en faveur d’un projet éco-socialiste démocratique, révèlent les liens entre les déprédations économiques consécutives à plusieurs décennies d’hégémonie néolibérale, et l’état dévasté de notre habitat naturel. En partie inspirés par la campagne présidentielle de Bernie Sanders, plusieurs candidats, d’origines multiples – à l’image d’Alexandra Ocasio-Cortez, à New York, de Kanelia Ing, à Hawaï, et de bien d’autres encore – font campagne sur des programmes appelant à un « New Deal Vert », apte à satisfaire les besoins matériels fondamentaux de chacun, à offrir de vraies solutions en matière d’injustices envers certaines communautés, de race ou de genre, tout en catalysant une transition rapide vers un recours exclusif aux énergies renouvelables. Plusieurs d’entre eux, comme Cynthia Nixon, candidate au poste de gouverneur de l’état de New York, ou Zephyr Teachout, candidat au poste de procureur général du même état, ont promis, non seulement de refuser l’argent des compagnies pétrolières, mais encore de les poursuivre en justice.

Tous ces candidats, qu’ils se revendiquent ou non du socialisme démocratique, rejettent le centrisme néolibéral des élites du Parti Démocrate, et la fadeur de leurs solutions « compatibles avec l’économie de marché » à la crise écologique, tout comme le guerre totale de Trump contre la nature. Ils incarnent également une alternative concrète aux socialistes extractivistes peu soucieux de démocratie, ceux d’hier comme ceux d’aujourd’hui. Par dessus-tout, cette nouvelle génération de dirigeants politiques, se refuse à faire de « l’humanité » le bouc-émissaire, condamné à expier les péchés d’avarice et de corruption d’une élite restreinte. Elle cherche, au contraire, à aider l’humanité – notamment celles et ceux dont on ignore systématiquement la parole, voire l’identité – à se constituer en un pouvoir soudé, doté d’une voix unique, et capable de tenir tête à cette élite.

Nous ne perdons pas la terre – mais son réchauffement accéléré la place sur une trajectoire menant un grand nombre d’entre nous à leur perte. Une nouvelle voie politique se présente, juste à temps, pour nous emmener en lieu sûr. Le temps n’est pas aux lamentations sur les années perdues. Le moment est venu de s’engager sur cette voie, sans perdre un instant.
Naomi Klein

Traduction Hervé Le Gall, le 28 août 2018, pour lemediapresse.fr